Elie Rouleau   

                                                                                   ELIE ROULLEAU – Paysan.

 

 

            Elie Roulleau est né en 1920 et est décédé en 2008. Il a vécu la plus grande partie de sa vie à Monsireigne. De son mariage sont nés 9 enfants. Il grandit dans une famille pratiquante.

 

Le temps des apprentissages

 

Son éducation se fait dans une famille d’agriculteurs, de conditions modestes. Son père est très ouvert aux nouvelles techniques agricoles. La mécanisation de l’exploitation lui permet de découvrir l’intérêt d’être ouvert aux techniques modernes.

Pour cela, il découvre l’importance de la formation. Il suit les cours itinérants de formation agricole à Chantonnay. Ces cours seront à l’origine, par la suite, des Centres d’Etudes Techniques Agricoles (CETA) dans les années 1950.

La rencontre avec la Jeunesse Agricole Catholique (JAC) sera déterminante pour son parcours de vie. Il y découvre l’importance de lier la réflexion et l’action. Cela va lui donner « des perspectives d’action insoupçonnées en direction des jeunes de son âge ». Ce sera pour lui une source permanente de création et d’organisation sur le plan professionnel, des loisirs, de la famille.
Mais aussi, il lui faut vivre la contradiction entre la soumission et le fatalisme du catholicisme traditionnel et le souci de prendre en main l’avenir professionnel, social et aussi d’exprimer la foi sous un autre mode que celui d’une foi immobile, conservatrice et traditionnelle de la religion et l’invention de nouvelles formes de l’expression de la foi. « Ces perspectives contrastaient singulièrement avec le climat religieux auquel nous étions habitués : pratique religieuse complètement coupée de la vie pour de nombreux catholiques ; pratique religieuse d’un côté, vie profane de l’autre. Pour résumer, continuait-il, je dirais simplement qu’à partir de la JAC, la religion chrétienne m’apparaissait sous un jour nouveau, plus dynamique et surtout plus enthousiasmante que la forme de religion que j’avais connue jusque-là. »

Ce bouillonnement d’idées et d’initiatives lui apprend à « dégager un ordre de priorité et de mettre l’économie, la technique au service de l’homme et non pas au service du profit. » Le travail en équipe joue évidemment un grand rôle. « L’ardeur des uns est toujours modérée par la raison des autres. » Ceci lui fait allier la sagesse et l’enthousiasme. Il puise dans cette formation de la JAC l’envie et la nécessité d’être acteur de son développement et non un exécutant, sans participer aux décisions prises. Il sera de ce fait mal à l’aise dans l’expression traditionnelle de la foi à cause de cette impossibilité de participer, d’aller de l’avant. Il reprochera à la Jeunesse Agricole Catholique Féminine (JACF) de ne pas suffisamment travailler à l’émancipation des femmes.

 

Le temps des épreuves.

 

Elles ne lui furent pas épargnées.

Elie a connu la mobilisation en 1940, alors que l’armée française est en déroute. Il fera route vers Bordeaux où il sera emmené dans un chantier de jeunesse. Revenu à la maison, il se marie en 1942. Il est ensuite « rappelé sous les drapeaux » en 1945, Il s’agit de faire nombre et montrer que l’armée française existe bien, afin de peser sur les négociations.

Puis revenu au pays, il s’installe à la ferme, sans le sou, sur une ferme petite, avec des bâtiments en mauvais état. En même temps que l’exploitation, il faut refaire les bâtiments, le toit à cochon, les étables, les fosses à lisier et améliorer le logement. Ce sont des années difficiles. Vivre en autarcie, en autoconsommation pour tirer le meilleur profit du contexte : une inflation importante et des prêts sommes toutes avantageux. Ce sont des conditions de survie de l’immédiat après-guerre. Puis l’hiver 1946/1947 sera d’une grande dureté : « un début d’hiver très humide, suivi de fortes gelées blanches qui ont déraciné le blé, entravant toute végétation au printemps. La récolte fut désastreuse : une charrette de gerbes à l’hectare était la moyenne sur la commune. »

La fin de sa vie fut aussi douloureuse : il connut le « manque d’autonomie » suite à un AVC pendant les 8 dernières années de sa vie.

 

Le temps de la révolte

Devant la pauvreté paysanne, les injustices, Elie Roulleau va peser au plan départemental, puis national pour que la loi sur le fermage améliore les situations humiliantes. La plupart des exploitations sont alors en métayage. Le métayage est un type de bail rural dans lequel un propriétaire, le bailleur, confie à un métayer le soin de cultiver une terre en échange d'une partie de la récolte, avec la possibilité de se séparer du métayer sans avis. Métayage vient de « moitié » : le propriétaire récupère la moitié de la récolte, parfois 40 %, parfois 33 %. Les abus sont fréquents et la liberté des agriculteurs métayers, entravée. Cette situation sera modifiée en particulier par la loi de 1949 sur le statut du fermage qui fixe les conditions de location d’une terre sur une durée longue. La négociation avec les Fédérations de propriétaires fut difficile Elie y passa de nombreuses journées en réunion au Ministère de l’agriculture à Paris. Son image en fut affectée et ses enfants eurent parfois de la difficulté à s’installer. Propriétaires et notaires, lorsque l’un de ses fils annonçait son nom, Roulleau, se récusaient : il n’y avait plus de terres disponibles. Celui qui s’engage reçoit des coups dans sa profession, dans son milieu social, dans sa propre famille parfois.

De plus, les paysans ne sont pas habitués à prendre des responsabilités. « Ce n’est pas un défaut, mais un handicap pour ne pas se laisser manipuler dans les négociations, les achats d’engrais ou les ventes d’animaux. » Pour cela, il faut écouter, disposer de revues (Foyer Rural), analyser, se former, réfléchir. Tout cela n’est pas dans les mentalités où l’on vit plutôt sur la transmission de génération en génération. Son effort va se développer pour plus de coopération entre paysans sous forme de coopérative : assurer plus de sécurité dans le métier et développer la confiance. Ce seront les Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA), la Coopérative Agricole Vendéenne d'Approvisionnement, de Vente de céréales (CAVAC), les Maisons Familiales Rurales. Tout cela, il l’a appris de la JAC et ensuite du Mouvement Familial Rural (MFR)

Toujours la même vision des choses : « préparer les mentalités et ouvrir les perspectives plus humanisantes du travail des agriculteurs pour les hommes et les femmes et modifier les statuts sociaux figés. »

 

Le temps de la réconciliation et de la sagesse.

 

            Elie était obnubilé par la recherche des compromis dans la dignité : pousser le plus loin possible la revendication et les propositions qui lui apparaissaient justes. En même temps ne pas tenir rigueur dans les désaccords. Il fut souvent meurtri par les critiques, les injustices qui en découlaient… avec toujours le souci de la réconciliation et du pardon. « Je ne leur en veux pas. » Mais toujours avec dignité. Ce fut sa force pendant les 8 années où il fut paralysé : ne pas baisser les bras, avec « la rage de ne pas se laisser abattre ».

 Il participa dans cet esprit au groupe œcuménique qui rassemblait protestants et catholiques, persuadé que ce qui unit sur un territoire est plus important que ce qui divise…

Altruiste, défenseur des petits, soucieux de la justice et de l’équité, « un sacré bonhomme ».

 



Contact

josias85000