Henri Blanchard    

 HENRI BLANCHARD

(1913-1940)

 

 

            En un sens, Henri BLANCHARD n’a pas fait grand-chose ! Il n’en a pas eu le temps ! Né en 1913, il est décédé des suites d’une blessure reçue au début de la guerre –la dernière, bien sûr- le 15 mai 1940 ! Il avait été hospitalisé par les Allemands et soigné au lazaret de l’hôpital de Darmstadt où il est décédé le 30 mai 1940. Il avait 27 ans !

 

            Paysan avec son père, il n’a pas laissé d’écrit évidemment. Sauf des lettres à sa femme et à son fils quand il a été mobilisé et des notes prises pendant ses retraites et méditations. Plusieurs de ces documents ont été recueillis et publiés par un prêtre qui était son confident, l’abbé Clément Blanchard, ce qui permet de connaître un peu Henri. Il n’avait pas fait grand-chose… Simplement, il était devenu un militant jaciste, il avait appris à prier…

 

            Il est né dans un village du Boupère, de parents agriculteurs, le quatrième d’une famille de huit enfants. Sorti de l’école à 12 ans comme c’était la coutume à l’époque, il perd sa mère. Il travaillera avec son père. Paysan dans l’âme, il sera fier à 15 ans de conduire ses 6 bœufs et sa charrue, à 18 ans de porter son premier sac de blé à une journée de battage… Au sein de sa famille, on disait le chapelet pendant l’hiver et on allait à la messe tous les dimanches…et « à Vêpres ». Mais aucune trace d’un idéal plus élevé dans sa jeunesse… Le jeune Henri est un bon gars…

 

 

C’est à son retour du service militaire en septembre 1935 qu’il entre dans un groupe de JAC.  Le vicaire de sa paroisse veut lancer une équipe. Il y a du travail à faire !  Le bocage vendéen était certes une terre de foi, avec beaucoup de traditions religieuses. Mais beaucoup de paroissiens souffraient d’une sorte de « respect humain à l’envers » : il aurait fallu du courage pour… ne pas pratiquer ! Une enquête de la JAC révélait bien des lacunes. « Les gars du bocage quittent-il le pays pour la caserne ? Bon nombre d’entre eux ne se soucient plus de leur devoir religieux…Quant à la tenue morale, n’en parlons pas ! Vont-ils s’installer dans les Charentes ? Ils y deviennent les plus parfaits des indifférents… ». Pour la JAC boupérienne, le problème n’était pas de réapprendre le chemin de l’église, mais de prendre conscience des exigences de la foi.

Les jacistes disaient : « Il faut des Christ habillés en paysans ! » Dès lors, méditations, - il prend un temps chaque soir pour méditer – retraites spirituelles, cercles d’étude vont faire de Henri un réel militant. Avec ses camarades, il s’engage selon la formule de l’époque : « Nous referons chrétiens nos frères… ».

 

Il lui arrive de consigner ses méditations dans un carnet de militants : « La prière sera pour moi une conversation intime, un élan de mon cœur vers vous, oh Jésus ! » Et sa prière rejoint la pratique de François d’Assise, proche de la nature : « Le soleil se lève et chauffe dur : c’est vous qui l’avez créé, oh mon Dieu… Un oiseau chante gaiement dans le buisson : c’est vous qui lui donnez sa voix… »

 

C’est dans cette méditation que Henri puisera sa vie profonde plus que dans la communion. Même s’il allait tous les dimanches à la messe, on communiait peu en ce temps-là, il fallait être à jeun depuis minuit…

 

Il prend l’habitude d’aller régulièrement rencontrer son vicaire qu’il estime beaucoup. C’est ainsi que, sur les conseils de « son » prêtre, trois années de suite, il fera une retraite de trois jours avec d’autres jeunes de la JAC dont son ami, Paul Soulard.

 

Et comme il avait quitté l’école très jeune, il cherche à continuer sa formation. Pourtant même s’il n’est pas de ceux « qui trouvent le porte-plume plus lourd que l’aiguillon », le travail intellectuel lui est difficile. Ce n’est guère possible que durant les longues soirées d’hiver. Et encore comme ses frères, devait-t-il commencer par fabriquer des paniers en osier, trier la mogette et nouer des ficelles de lieuse… Et puis il faut bien participer à des veillées avec les copains, faire des parties de cartes avec les voisins, et aussi faire du théâtre, « monter sur les planches » comme on disait. Cela laissait peu de temps pour les études.

 

De plus, deux ou trois fois par semaine en hiver, après sa journée de travail, Henri participe aux réunions de la JAC. Il est devenu un vrai militant et il écrit dans son carnet : « Donnez-moi une âme de vrai militant pour refaire chrétien mes frères… Donnez-moi un cœur doux et humble sachant rendre service à ceux qui en ont besoin et dire une bonne parole à un camarade… ». Pour lui « le militant n’est pas un dégonflé, il n’est pas orgueilleux ni ivrogne… Il est un jeune apôtre, un chrétien convaincu qui, avec les conseils du prêtre, comprend ce qu’est le christianisme et se force de le faire comprendre autour de lui… »  Il entrevoit une  « JAC plus forte capable de réaliser un monde nouveau ».

 

Il supporte péniblement la séparation, mais ne veut pas inquiéter sa femme. Fin septembre 39, il lui écrit : « Je ne suis pas malheureux. Ma plus grande souffrance est la séparation. Mais -et transparaît ainsi la profondeur de sa formation- puisque le bon Dieu nous demande un sacrifice, il nous reste à l’offrir… ».

 

Des sacrifices, à la guerre, l’occasion d’en faire ne manque pas. Le confort est loin d’être exceptionnel ! « Je couche dans un trou, devant la ligne Maginot. Depuis hier, il tombe beaucoup d’eau… Vers 11 heures cette nuit, nous avons manqué de partir en bateau. Je me suis levé et avec une boîte de conserve et un seau, j’ai enlevé l’eau et fait un petit écoulement pour qu’elle change de direction… ». Avec la mentalité religieuse de ce temps-là, toutes les situations difficiles sont pour lui occasions d’offrande à Dieu.

« Dieu a ses desseins et nous n’avons qu’à nous soumettre généreusement à sa Sainte Volonté. Il nous demande des sacrifices, acceptons-les. »

 

Durant 16 semaines d’attente du combat, Henri a la possibilité de pratiquer sa foi. « J’ai toute facilité pour accomplir mes devoirs de chrétien. Je suis à 30 m de l’église, j’y vais dès que j’ai un petit moment. Ce matin j’ai été à la messe de six heures et j’ai communié. Demain j’irai encore à la communion. Je Lui demanderai d’avoir pitié de nous et de nous exaucer afin que nous puissions bientôt le prier ensemble », écrit-il à sa femme. « Prions beaucoup, nous aurons plus sûrement la paix par la prière que par les armes. »

 

Ses lettres sont toujours pleines des sentiments les plus délicats à l’égard de son épouse. Mais elles se font encore plus affectueuses à l’approche du jour de la naissance prévue de leur enfant. Dès qu’il apprend la bonne nouvelle, il répond : « J’ai hâte de voir venir l’heureux jour où je pourrai enfin vous voir et vous embrasser, mes deux chers amours. »

 

Mais cet « heureux jour » ne se produira point. Car le 15 mai 1940, Henri fut grièvement blessé au cours d’une attaque. Dès lors pendant 15 longs mois, sa famille resta cruellement sans aucune nouvelle de lui. Il avait été hospitalisé par les Allemands à Darmstadt. L’aumônier allemand attaché à cet hôpital allait le visiter régulièrement. Longtemps après, dans une longue lettre en français adressée à son père, il raconta les dernières journées de Henri à l’hôpital et la forte impression que son fils lui avait faite.

 

Il terminait sa lettre : « Votre fils est mort le 30 mai 1940. Moi-même je l’ai enterré sur le Waldfriedhof de Darmstadt, où il attend sa résurrection avec sept ou huit autres de ses camarades. J’espère vous avoir donné un peu de consolation par ma lettre… ». Et la Croix-Rouge française avait ajouté : « Mort pour la France et en chrétien, cela fait de lui un héros que vous pleurez mais dont vous pouvez être fiers ». Sa famille apprendra donc, un an plus tard sa mort. Sa femme fut très entourée et la solidarité familiale joua énormément pour qu’avec son fils, elle reprenne et reconstruise sa vie.

 

Il avait écrit lui-même : « Ce n’est pas la longueur de la vie qui compte, c’est ce qu’on met dedans ».

 Henri Blanchard était de son temps.

 

 

 

 



Contact

josias85000