pénitence

Au fil de l’histoire : le péché, la confession.

 

1-Approches.

Ils sont encore nombreux, celles et ceux qui ont connu le temps d’avant Vatican II. En l’espace d’une vie, ils ont vu se modifier bien des pratiques sacramentelles, et particulièrement les formes de la pénitence, plus communément appelée désormais sacrement du pardon et de la réconciliation.

 

En décidant une année jubilaire de la miséricorde, le pape François a voulu encourager les catholiques à pratiquer sous toutes ses formes cette vertu évangélique. Son témoignage de pénitent et de confesseur authentifie son message quand il affirme la joie et le dynamisme de cette démarche spécifique. Ses œuvres de miséricorde disent la diversité des terrains d’application qu’il envisage, tout en donnant un poids de vérité à ses pratiques proprement liturgiques.

 

Les orientations et mises en œuvre de cette année de la miséricorde varient d’un diocèse à l’autre. C’est ainsi qu’apparaissent ici ou là, des objectifs plus ciblés, parfois même réduits à la restauration de la confession individuelle.

 

On sait les efforts déployés par la curie romaine après Vatican II pour faire prévaloir les choix de la minorité conciliaire. C’est ainsi que l’enthousiasme et le bénéfice spirituel des célébrations pénitentielles avec absolution collective (1) ont dû céder le pas aux exigences du cléricalisme. Qu’allait-il bien rester du statut clérical, si un pilier aussi essentiel que le pouvoir de pardonner se trouvait ainsi dilué ?

 

Les justifications spirituelles n’ont pas manqué à ce coup d’arrêt disciplinaire. Pourtant, nul ne conteste les bienfaits d’un entretien personnel pour l’avancée dans la vie spirituelle. Il relève de l’accompagnement, et l’histoire prouve qu’il n’est pas essentiel au sacrement. Quant à l’aveu, s’il est contraint, il reste contre productif.

 

Certes, le rituel a conservé la forme extraordinaire de la célébration communautaire avec absolution collective, mais assortie de telles restrictions, soumise à de telles conditions, et faisant l’objet de rappels à l’ordre si répétés, que sa mise en œuvre autorisée reste exceptionnelle. En pratique…

 

On peut d’ailleurs trouver bizarre que ceux-là mêmes qui défendent avec âpreté et pratiquent avec extase le rite extraordinaire de la messe, soient aussi ceux qui dénigrent et refusent le rite extraordinaire de la réconciliation, ou se vantent de ne l’avoir jamais pratiqué. Nostalgie ? Phobie du changement ? Peurs et crispations ?

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous nous proposons de revenir dans une suite de billets analogues à celui-ci, sur certains aspects : historiques, socio-culturels, théologiques, liturgiques, relatifs au péché et à la confession. Nous souhaitons participer ainsi à la recherche de pratiques croyantes incarnées et joyeuses.

 

(1) – Un rapport d’avril 1975 dresse, pour la paroisse des Herbiers et plus largement pour l’ensemble de notre diocèse, un bilan fort intéressant de ces nouvelles pratiques.

 

 

2 – A propos du péché.

 

 

« Sois purifié du péché dans lequel tu as été conçu ! ». Ces mots du prêtre parisien, encore jeune, qui baptisait un bébé ont heurté une partie des assistants. Chez nous, il n’est plus rare d’entendre des paroissiens se plaindre des homélies moralisatrices de leur nouveau curé, souvent jeune, dont l’insistance sur le péché et la confession semble produire l’effet inverse de celui qui est recherché. Serait-ce dû, comme ces clercs s’en lamentent, au relativisme ambiant, au relâchement des mœurs, et à la perte du sens du péché ? Pas si sûr.

 

Le malaise de celles et ceux que ces discours agacent, ne prouve en rien qu’ils se croiraient sans péché ou dispensés de conversion. Comme le relevait à l’époque le rapport d’avril 1975 déjà cité, ces énoncés leur semblent toujours souffrir d’un déficit de sens, et ne plus être en prise avec la réalité de leur vie, ni avec l’espérance dont l’Eglise se dit porteuse. Elaborés pour l’essentiel, au concile de Trente (16è siècle), certains concepts sont frappés d’obsolescence, sans que pour autant la vérité qu’ils cherchaient à exprimer soit devenue caduque.

 

Comment rendre compte de la foi qui nous anime si elle ne peut s’affirmer ni dialoguer avec l’intelligence sans risquer d’être détruite ou destructrice ? Les philosophes des Lumières et les « maîtres du soupçon » sont passés par là. Mais leurs questionnements, en partie extérieurs à l’institution, ne sauraient occulter les difficultés internes que notre Eglise doit aussi affronter.

 

« Malgré les enseignements officiels, dit le P. Dominique Degoul (1), le corps de l’Eglise n’a pas fini de tirer les conséquences intellectuelles du bouleversement majeur que fut le passage d’Adam du statut de personne historique à celui de personnage symbolique ». Entrepris vraiment depuis la fin du 19è siècle, validé à Vatican II, ce travail laisse encore beaucoup de chrétiens comme au milieu du gué., entre peurs et espoirs.

 

Cet auteur repère cinq difficultés qui sont comme autant de pistes pour continuer le chantier :

 

« 1 – Le péché originel, vérité anthropologique, ne peut plus être considéré aujourd’hui comme un événement historique unique, dont les effets se transmettraient par génération.

2 – Le lien entre la mort et la résurrection du Christ, d’une part, et notre salut, de l’autre, n’apparaît plus clairement à beaucoup de chrétiens.

3 – Dans une société où le sens du mot « péché » se perd, parler du salut en termes de sauvetage des conséquences du péché devient incompréhensible.

4 – Parce que notre conception du salut se modifie, les sacrements n’apparaissent plus comme les moyens nécessaires pour y conduire.

5 – Le schéma ancien laisse dans l’ombre la question du salut des non-chrétiens. »

 

 

 

 

Il propose de même cinq critères d’acceptabilité d’un nouveau schéma :

 

« 1 – Ce schéma rend-il compte de l’intégralité de l’histoire humaine ?

2 – S’ancre-t-il solidement dans l’Ecriture ?

3 – Met-il le Christ en son centre ?

4 – Aide-t-il à cerner la question du mal ?

5 – Permet-il de soutenir la vie des chrétiens ? »

 

Partant de l’événement fondateur qu’est la résurrection de Jésus, et après un parcours rapide dans l’ensemble du Nouveau Testament, notre auteur s’attache à analyser le prologue de la Lettre aux Ephésiens (Ep. 1, 1-14), avant de confronter ses découvertes avec certains textes de Vatican II particulièrement Lumen gentium et Gaudium et spes.

 

« Lorsque souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d’autres des moulins ». 

Proverbe chinois.

 

Bon vent aux groupes qui s’attelleront à la tâche !

 

(1) – Dominique Degoul. « Schéma de la foi chrétienne ». Lessius. Paris .2015. 144p.

 

     3 – Quelques repères historiques. Jusqu’au XIIe siècle.

 

Articuler l’attitude intérieure de conversion et les manifestations extérieures de pénitence et de réconciliation, tel est bien l’enjeu de cette démarche.  La Bible et l’histoire du christianisme disent sa nécessaire cohérence, en même temps que la variation des formes et des pratiques qui ont voulu la codifier.

 

L’Evangile témoigne de la mission de Jésus : « chercher et sauver ce qui était perdu ».  Il attend une conversion qui engage à le suivre dans la foi et l’amour, sans demander une confession détaillée. A plusieurs reprises, le repas est un lieu privilégié de rencontre avec le pécheur et de rémission des péchés.

 

Pour la suite de cette œuvre de libération, d’une part, un pouvoir de remettre les péchés est donné « aux hommes » (Mt. 9, 8), et solennellement confié aux Apôtres (Jn. 20, 22), et d’autre part, un pouvoir de lier et de délier est confié à Pierre (Mt.16, 19) mais pas seulement à lui (Mt.18,18).

 

L’Eglise primitive semble n’avoir pas d’autre rite de rémission des péchés que le baptême reçu à l’âge adulte. La correction fraternelle est de règle, la forme est fonction des circonstances, et peut aller jusqu’à excommunier le coupable (I Cor. 5, 1-3) (2 Cor. 2,5-11) .

 

Avec les persécutions et les apostasies, la pénitence, d’exceptionnelle, devient institutionnelle. Mais, concédée une seule fois dans la vie, comme un second baptême, elle ne résiste ni au grand nombre, ni à la violence des persécutions, et se trouve bientôt réduite à deux ans. Une menace imminente supprime même tout délai à la réconciliation. Dénoncées par certains comme laxistes, ces décisions entraînent déjà le schisme de ces intransigeants.

 

L’expansion du christianisme consécutive à l’Edit de Milan (314) rend nécessaire l’élaboration d’une législation canonique, avec détermination des péchés graves  requérant le recours à la pénitence officielle. En 421, Augustin se lamente de constater une réception très variable de ces directives par les fidèles  toujours rassurés par la garantie qu’offre le baptême à l’article de la mort.

 

Pour ceux qui entrent dans le processus pénitentiel, le rituel a prévu trois étapes :

 

-       L’entrée en pénitence : le pécheur vient confesser secrètement ses fautes à l’évêque qui fixe la durée de l’épreuve et préside la célébration liturgique à la fin de laquelle les pénitents sont expulsés de l’église.

 

-       Un temps d’expiation, normalement de plusieurs années, au sein de l’ordre des pénitents, qui s’accompagne d’abstinence de viande, de continence sexuelle, et d’éloignement des fonctions publiques. Les pénitents assistent à la messe du dimanche, groupés près de la porte de l’église, mais il leur est interdit de communier.

-       La réconciliation : l’évêque réconcilie les pénitents en leur imposant les mains. Le rite a lieu dans l’église, en présence de la communauté, puisqu’il s’agit de réintégrer ces pécheurs pardonnés dans la communauté. A partir du Vè siècle, ce rite a lieu le jeudi saint, de manière que les pénitents puissent, comme les catéchumènes, communier dans la nuit pascale.

                                

Mais le pénitent réconcilié n’est pas totalement libéré. Il demeure soumis à de lourds interdits : il ne peut avoir de relations conjugales, ni s’adonner au commerce, ni exercer une fonction publique, ni entrer dans l’armée ou le clergé. Ces interdits durent jusqu’à la mort, seule libération définitive,

 

Par la lourdeur de ses exigences, la pénitence non réitérable devient ainsi la cause de son report massif au moment de la mort et de l’embarras des évêques face à cette situation.

 

L’arrivée des Barbares qui fait de l’Eglise la seule institution stable conduit celle-ci à tenir et renforcer son insupportable législation. Au point que certains évêques dissuadent les jeunes d’entrer en pénitence ! Chacun s’aménage des accommodements avec l’espoir de tout régulariser avant de mourir. Le système est bloqué, tandis que la préoccupation du salut individuel devient prioritaire.

 

Plus loin de Rome, les moines irlandais ont une autre pratique : débarrassée des interdits, et renouvelable, la pénitence est « tarifée ». Les confesseurs disposent d’un livret indiquant pour chaque faute la pénitence à accomplir. Leur venue sur le continent suscite l’engouement des fidèles et la satisfaction des évêques.

 

Mais l’extension aux laïcs d’une pratique spirituelle monastique d’accompagnement, pas nécessairement sacramentelle, s’accompagne d’une discipline entièrement sacramentelle avec la nécessaire intervention du prêtre qui a reçu le pouvoir d’absoudre.

 

Déviations et abus divers sont venus concrétiser le risque de dissocier la confession-absolution de l’effort spirituel attendu au monastère, et d’arriver à un recours quelque peu magique au rite d’absolution.

 

A l’époque de Charlemagne, la réforme mise en œuvre cherche d’abord à corriger ces déviations avant de tenter sans grand succès de rétablir la pénitence canonique.  Le compromis qui en ressort fait coexister deux systèmes pénitentiels : pour les fautes graves et publiques, recours à la pénitence canonique, et pour les faute graves mais secrètes, selon le système tarifé, avec possibilité d’un pardon réitérable.

 

Ainsi, pour répondre à des situations individuelles et sociales différentes,  on établit deux formes différentes et complémentaires du sacrement. Cette possible coexistence de plusieurs formes du sacrement qui sera oubliée du XIIIe  au milieu du XXe, ne sera retrouvée qu’en 1974 avec le nouvel Ordo paenitentiae voulu par Vatican II.

 

Au fil de l’histoire : le péché, la confession.

 

     4 – Quelques repères historiques. Du XIIIe siècle à nos jours.

 

Notre époque a gardé trace de formes extraordinaires de la pénitence médiévale. Ainsi, du VIIe au XIIe siècles les pèlerinages sont plus pénitentiels que touristiques ! Quant à la flagellation, apparue au VIIIe comme expiation pénitentielle, elle a marqué la spiritualité chrétienne et est restée en usage jusqu’à nos jours, en dépit de son caractère équivoque.

 

Au XIIIe la confession individuelle à un prêtre s’impose comme la seule forme du sacrement.  En cas de danger de mort et d’absence de prêtre, l’aveu peut être fait à un compagnon, et à défaut, à Dieu lui-même, mais à haute voix. Ainsi l’aveu devient l’élément essentiel de la pénitence : l’acte d’humilité    qu’il implique constitue désormais la véritable expiation.

 

L’action de papes vigoureux et l’influence de mouvements spirituels, en particulier franciscains et dominicains se traduisent par un véritable réveil spirituel. Par leurs tiers ordres respectifs, ces nouveaux religieux, volontairement pauvres, proches du peuple et des laïcs de toutes conditions communiquent leur idéal de vie parfaite à de très nombreux chrétiens. Or les règles du tiers ordre requièrent, entre autres, la confession et la communion trois fois par an.

 

Tous ces courants préparent un terrain favorable à la confession privée, comprise et vécue non seulement comme sacrement de réconciliation, mais comme sacrement de purification et de progrès spirituel.

 

Convoqué en 1215 par Innocent III, le concile de Latran IV légifère au sujet de la confession. Le canon 21 stipule que tout fidèle, homme et femme, et même enfant parvenu à l’âge du discernement, doit confesser   tous ses péchés au moins une fois par an (il n’est pas précisé qu’il s’agit des péchés graves). Le chrétien se confesse seul, sans la présence d’un tiers. Il se confesse au curé de sa paroisse ou au chapelain de sa communauté. Le chrétien qui manque à cette confession annuelle est proprement excommunié. Cette loi doit être souvent rappelée aux fidèles.      

 

Cette obligation de la confession annuelle, un peu modifiée par le concile de Trente demeure aujourd’hui encore la loi fondamentale de la discipline pénitentielle. Dans le contexte de l’époque, sa visée porte moins sur le contenu de la confession que sur sa fonction de contrôle individuel et social. Face à la menace des sectes, il s’agit d’utiliser la confession obligatoire comme un moyen de pression sur les chrétiens hésitants, de repérer les hérétiques, et de vérifier la fidélité de la communauté paroissiale. Il appartient au curé d’exercer ce contrôle et d’excommunier ceux qui ne se présentent pas !

 

En réponse aux prises de position de Luther et Calvin, le concile de Trente (1545-1563) réaffirme l’obligation pour le pénitent de confesser au moins une fois par an tous ses péchés graves, et de présenter ses fautes au jugement du confesseur, qui peut donner ou refuser l’absolution. Il entend d’autre part démontrer que ces exigences  ne sont pas d’origine ecclésiastique mais de droit divin.

En caricaturant à peine sa méconnaissance de l’histoire, cette théologie en viendrait à affirmer que le Christ a institué le sacrement de pénitence dans une forme rituelle qui s’est maintenue immuable jusqu’alors. Ainsi, pendant les quatre siècles qui s’étendent de Trente à Vatican II, la confession annuelle obligatoire sera considérée comme une loi absolue, s’imposant à tous et dans le monde entier. Le chrétien qui ne se confesse pas ne peut communier, il se met lui-même hors de la communion et, s’il n’est pas « réconcilié » avant de mourir, ne peut aller au ciel ni être enterré en terre chrétienne.

 

De grands noms de la tradition spirituelle et pastorale marquent cette époque : Charles Borromée, Pierre Favre et Alphonse de Liguori entre autres. Pour les catholiques fervents d’alors, la confession fréquente est le sacrement le plus important. Plus important et plus fréquent que la communion vue comme une récompense plutôt qu’une nourriture. Au commun du peuple, restent la confession pascale et celles, plus exceptionnelles qui accompagnent une mission paroissiale ou un pèlerinage.

 

C’est aussi entre Trente et Vatican II qu’interviennent les querelles liées au jansénisme. Délaissant l’aspect politique, nous retenons au plan religieux un pessimisme radical touchant la liberté humaine, une extrême sensibilité au merveilleux des « miracles eucharistiques », des préconisations liturgiques audacieuses, et un rigorisme moral à toute épreuve.

 

A voir aujourd’hui l’opposition de certains cardinaux, mais pas seulement, aux ouvertures du pape François, on est tenté de dire que les jansénistes n’ont pas tous disparu ! C’est vrai qu’il est jésuite !

 

       5 - Ce rapide survol historique suggère quelques conclusions.

 

400 ans, telle semble être la durée maximum d’un système pénitentiel ! L’histoire nous invite à relativiser chaque période et chaque manière de vivre la pénitence.                                                                                                                                                                                              Pour autant, une Eglise qui n’offrirait plus aux chrétiens la possibilité de la rémission des péchés, sous une forme ou sous une autre, ne serait plus l’Eglise de Jésus-Christ.

 

La question se pose donc de savoir ce qui, dans ce sacrement, est immuable et ce qui est variable : ce qui vient du Christ et ce qui vient d’une nécessaire et légitime adaptation à des situations changeantes. Quelles sont les composantes nécessaires de ce sacrement dans la vie de l’Eglise : suffit-il qu’il y ait une possibilité spécifique de rémission des péchés en dehors du baptême et de l’eucharistie ? Y a-t-il obligation pour le chrétien de recevoir le pardon sacramentel pour tout péché mortel ? Et comment discerner le péché mortel ? La confession des fautes est-elle une condition nécessaire de leur absolution ?

 

Les données du N.T. ne suffisent pas à répondre à ces questions difficiles. La vie de l’Eglise, l’expérience de l’Eglise au long des siècles, est en ce domaine un lieu théologique fondamental.

 

L’évolution apparaît liée à deux causes principales : d’une part un changement de situation ecclésiale, de la persécution au concordat, d’une situation de chrétienté à la sécularisation par exemple, et d’autre part à l’usure et l’inadéquation d’une discipline établie quelques siècles plus tôt pour répondre à des circonstances données. Serions-nous aujourd’hui à la fin d’un cycle ?

 

De tous les acteurs qui interfèrent là, évêques, moines et religieux, théologiens, et peuple chrétien, ce dernier groupe est le plus nombreux et le plus déterminant. C’est lui qui, en fin de compte, accepte ou refuse le produit pénitentiel qui lui est proposé. C’est lui qui fait le succès ou l’échec d’un système pénitentiel, et signale, par sa désaffection le besoin d’une révision.

 

Essentiel dans les premiers siècles, le caractère communautaire a changé de nature quand la confession s’est muée en moyen de contrôle par le pouvoir clérical, de l’appartenance effective à la communauté catholique. Devenue aux temps modernes, sacrement privé et quasi anonyme, elle a connu après Vatican II un effort légitime pour retrouver la réalité ecclésiale et communautaire de ce sacrement.

 

Il faudrait aussi éclairer la relation complexe entre pénitence et eucharistie, entre confession et communion, entre communion ecclésiale et communion eucharistique. Au fil des siècles, la complémentarité des deux sacrements a vu l’accent des déplacer de l’un à l’autre. Purifiés et réconciliés entre eux par la participation à la même eucharistie dans l’antiquité, les chrétiens ont été nourris (sic) par le sacrement de la rédemption, par la grâce de Dieu et la vie du Christ communiquées dans l’absolution durant de longs siècles. De nos jours, la participation fréquente à l’eucharistie, sacrement du salut, a beaucoup réduit le recours à la confession individuelle.

 

Observée au sein des communautés nouvelles et dans la mouvance des JMJ, une embellie encore relative parmi les jeunes générations ne suffit pas à inverser la tendance. L’insistance culpabilisante de certains appels au confessionnal produit, on s’en doute, l’effet contraire à celui qui est recherché. L’effervescence charismatique n’a pas évité certaines dérives et abus de pouvoir. Le témoignage du pape François autant que son enseignement sur la primauté de la miséricorde butent sur des habitudes rétives au changement et tardent à donner leurs fruits.

 

Force est de constater qu’aujourd’hui les freins et les blocages tiennent encore et toujours au statut du prêtre qui le place au-dessus du peuple, doté du monopole du pouvoir de consacrer et de pardonner. Est-ce vraiment la régulation voulue et instituée par Jésus ?

 

Quatrième ou cinquième mutation importante dans l’histoire de l’Eglise d’Occident, la crise contemporaine doit être déchiffrée à la lumière de l’expérience acquise. L’histoire nous apprend qu’une crise pénitentielle est surmontée non par des déclarations du magistère, mais par l’impulsion d’un mouvement spirituel. Aujourd’hui comme hier, un renouveau pénitentiel ne peut se produire que dans le dynamisme d’un élan qui englobe toute la vie chrétienne.

 

Un tel renouveau suppose également une redécouverte du sens ecclésial et communautaire. La confession est tombée malade à cause de sa « privatisation » excessive. Le sacrement du pardon et de la réconciliation avec Dieu et avec les frères reste toujours un sacrement de l’Eglise et un sacrement de communion. Pour lui rendre sa valeur et sa vigueur, il faut d’abord restaurer de véritables communautés chrétiennes.

De jeunes fraternités religieuses et des communautés de base ont ainsi retrouvé un usage sain et équilibré du sacrement de pardon et de réconciliation, avec des formes collectives et des formes individuelles..

 

L’histoire illustre la polyvalence de ce sacrement : sacrement de conversion et de réconciliation ou sacrement de purification, sacrement individuel ou sacrement collectif. La pratique de l’Eglise au long des siècles incite à conserver cette richesse de formes complémentaires, qui correspondent à des situations diverses de l’homme pécheur et de la communauté pécheresse. A Vatican II, l’Eglise a redécouvert cette polyvalence. Surprise et hésitation ont crispé l’apprentissage et le temps nécessaires pour trouver l’usage équilibré de la célébration individuelle, des célébrations communautaires et des absolutions collectives.

 

Ah ! Le pouvoir du prêtre ! Que d’énergies dépensées pour le justifier et surtout ...le faire perdurer.

 

Un dernier mot pour évoquer la nécessaire adaptation des formes sacramentelles aux cultures et à la diversité géographique des situations ecclésiales. Car le Christ est venu pour apporter le salut aux hommes de tous les temps et de tous les mondes.

D’après Philippe Rouillard in Catholicisme, article « Pénitence »

 

 

 



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